Lorsque vous atterrissez sur l’aéroport de Quito, l’appréhension première, outre la découverte d’un nouveau pays, est l’adaptation à l’altitude. Située à 2 850 m, Quito est la deuxième capitale la plus haute du monde, après La Paz en Bolivie. Or nous effectuons nos premiers pas en Equateur sur l’un des points les plus bas de notre périple de trois semaines, qui, d’Otavalo au Nord à Cuenca au Sud, va traverser la Cordillère des Andes équatorienne.

La prudence recommande d’ailleurs de réaliser préalablement à un tel voyage des tests d’aptitude à l’altitude dans un service hospitalier spécialisé : 5% de la population occidentale est en effet inapte. Le mal des montagnes, l’œdème cérébral ou pulmonaire peuvent surprendre tout randonneur et transformer brutalement une jolie promenade en véritable cauchemar.

Rodrigo, notre guide équatorien, nous a donc concocté un programme alternant visites et randonnées, permettant de nous acclimater progressivement à l’hypoxie, et mener les 3 d’entre nous 5 à participer dans les meilleures conditions à la Carrera del Chimborazo.

Notre première étape nous conduit à Otavalo, située à 1h30 au Nord de Quito. Nous voilà plongés au cœur d’un des principaux centres d’intérêt de l’Equateur, à savoir les marchés. L’animation qui  y règne et la profusion de couleurs et d’odeurs contribuent à impressionner et ravir le visiteur : fruits et légumes, épices et viandes, articles peints ou textiles de l’artisanat régional, les stands regorgent de produits. Le tout rehaussé par les teintes vives des costumes traditionnels portés par les communautés locales: corsage brodé de fleurs, large collier de perles et châle pour les femmes, chapeau en feutre sur des cheveux longs noirs et noués en natte, poncho de couleur et pantalon blanc pour les hommes.

Nous découvrirons d’autres marchés typiques au fil de notre voyage, qui nous familiariseront notamment avec la diversité des produits agricoles, en particulier les multiples variétés de pommes de terre et de bananes. Le marché de Guamote: chaque jeudi, le rouge des ponchos envahit toutes rues, places et ruelles, y comprisla voie ferrée du « Trencrucero », qui traverse les Andes et fait escale dans la ville. A Riobamba, marché couvert, marché du mercredi, du samedi, il y en a pour tous les goûts et toutes les bourses; mais c’est celui des animaux qui est le plus typique : dès les premières heures du matin, le prix des cochons, moutons, ânes et bovins est âprement discuté, avant que le nouveau propriétaire n’emmène son nouvel animal au bout d’une corde.

L’Equateur est également remarquable pour la force et la beauté de ses paysages : la nature se montre tour à tour exubérante, profitant d’un climat chaud et humide, qui permet à la végétation de s’épanouir à plus de 4 000 m d’altitude, flamboyante à l’image de la diversité de sa flore, déployant une incroyable palette de couleurs vives, impressionnante aux abords des massifs volcaniques, qui pointent leurs cratères enneigés au plus près du soleil, ou le plus souvent des nuages. Ainsi nous ne verrons pas le Cotopaxi (5897 m), à nouveau menaçant depuis son réveil du 14 Aout 2015. Mais quelques percées du soleil à travers la couche nuageuse nous laisseront apercevoir le panache de fumées s’échappant du cratère du Tungurahua (5023 m) et une belle randonnée à plus de 4.000 m nous permettra de détailler au bout de nos objectifs photographiques le relief de son sommet. Les efforts pour gravir ces massifs volcaniques sont à chaque fois récompensés par la beauté des sites. Nous découvrons ainsi les magnifiques lagunes de Cuicocha  (3246 m d’altitude) ou celle de Quilotoa (3914 m), remarquable par les flancs abrupts du cratère et la couleur d’un bleu profond bordé de vert et de jaune aux reflets métallisés.

La plus belle randonnée reste sans conteste celle organisée par Rodrigo, aux côtés de Grégorio, 73 ans, qui est, avec son frère Baltazar, l’un des derniers Heileros de l’Equateur. Partis à l’aube pour une longue marche qui nous conduit aux glaciers du Chimborazo, à plus de 5000 m d’altitude, nous sommes témoins de gestes ancestraux, appelés à disparaître. Muni d’une pelle et d’un pic à glace, Grégorio dégage débris rocheux et terre de la moraine, puis taille un cube de glace dans le glacier, qu’il découpe en 4 blocs d’environ 30 kg chacun. Il les enveloppe avec précaution dans de l’herbe sèche pour préserver la pureté de la glace et éviter qu’elle ne fonde trop vite. Après avoir amarré solidement chaque bloc sur le dos de ses deux ânes, compagnons résignés de cette rude besogne, il redescend dans la vallée avant la nuit. Pour quelque temps encore, les villageois du Chimborazo dégusteront des sorbets, fabriqués avec une glace pure et d’un millésime sans âge.

Une autre belle rencontre est celle organisée avec la Communauté du Chimborazo, aux côtés de la délégation de la mairie de Saint Amand Montrond, venue en Equateur à l’invitation de la mairie de Riobamba. Nous découvrons ainsi le mode de vie rural de la population andine, rythmé par les travaux agricoles et ménagers, mais surtout une organisation solidaire, animée par un Conseil et de son Président. Membres de l’association Saint-Amand-Montrond / Riobamba, nous sommes particulièrement intéressés de faire connaissance avec nos interlocuteurs de la communauté, d’écouter leurs aspirations et de mieux appréhender leurs besoins.

L’Equateur peut se vanter d’avoir préservé un patrimoine d’une grande valeur historique et culturelle. Le plus impressionnant, car il enrichit le cœur des principales villes comme Quito ou Cuenca, est assurément l’héritage colonial. Les espagnols, en 300 ans d’administration coloniale, ont construit palais, églises et monastères qui rivalisent de richesses et de recherches architecturales pour asseoir leur pouvoir et imposer leur religion : marbre blanc des façades, or et fresques des décorations intérieures, l’art baroque est à son apogée et nous sommes frappés par l’excellent état de conservation de ces monuments qui ont résisté aux nombreux tremblements de terre. Autre découverte passionnante : la qualité et l’inventivité de l’art précolombien. Dans un bâtiment colonial récemment rénové de Quito, les collections de la Casa del Alabado témoignent d’un art très élaboré, maîtrisant le travail de la pierre, du bois, de la terre, de l’os ou encore du coquillage, et nous initient à un passé méconnu de l’Amérique Latine. Comment rester insensible devant des œuvres si abouties, mêlant beauté et spiritualité ? Ce voyage est aussi l’occasion de découvrir un artiste du XXème siècle, Oswaldo Guyasamin. Le « peintre du peuple », comme il a été surnommé, a consacré une grande partie de son œuvre à la dénonciation de la misère ou de l’exploitation, de l’oppression ou du racisme : nous sommes impressionnés par la force de ses grandes toiles, exhibant des hommes et des femmes aux visages anguleux, aux corps décharnés, aux membres recroquevillés.

Dimanche 12 Juin 2016, Patricia, Thierry et Philippe, auxquels s’est joint Lionel de la délégation de la mairie de Saint Amand Montrond, nous voilà tous 4 au départ de la Carrera del Chimborazo, au milieu de 165 coureurs équatoriens. Participer à cette course relève évidemment du défi et courir 25 km de 4 800 m à 3 500 m conjugue tous les ingrédients de l’aventure. Terrain inconnu, d’autant que cette année la Carrera  renoue avec la course nature, le chemin pierreux des sommets se fondant ensuite dans les hautes herbes, les passages tourbeux, réservant aussi quelques belles montées qui creuseront les écarts entre les coureurs plus ou moins aguerris au manque d’oxygène, pour plonger ensuite dans la vallée et s’achever au cœur du village San Juan de la communauté du Chimborazo. Conditions extrêmes, lorsque des bourrasques glaciales de plus de 100 km/h s’échinent à stopper votre élan ou vous déséquilibrer, mais aussi, parce que le gros du peloton a décimé les ravitaillements, vous obligeant à gérer votre effort pour résister au manque d’eau et d’apport calorique. Mais quelle émotion, lorsqu’après plus de 3 heures de lutte avec les éléments et avec soi-même, vous franchissez la ligne d’arrivée sous les bravos des Equatoriens. Vous remerciez alors votre guide de vous avoir si bien préparés en 15 jours à affronter les conditions singulières de l’altitude et les organisateurs de vous avoir permis de vivre un événement sportif unique, dans un décor superbe.

Notre voyage s’achève. Branchés art et culture, amoureux de la nature, amateurs de traditions toujours vivantes, ou encore avides d’exploit sportif, les membres de notre groupe avaient des aspirations diverses. Chacun repart enchanté, riche de belles rencontres et avec l’impression forte d’avoir découvert un pays très attachant, loin des circuits touristiques conventionnels.

A votre tour, chers lecteurs, précipitez-vous! Ou mieux, courez-y ! La prochaine Carrera del Chimborazo

Philippe Durand

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