Athlète équatorien spécialiste de la marche athlétique.
Jefferson PEREZ, né le 1er juillet 1974 à Cuenca (Equateur) fut le premier champion olympique, tous sports confondus, en provenance de l’Equateur. C’était aux jeux d’Atlanta en 1996 sur la distance de 20 km. Jefferson PEREZ fut également champion du monde sur 20 km à l’occasion des mondiaux 2003 à Paris puis 2005 à Helsinki et enfin 2007 à Osaka.
Il a battu le record du monde du 20 km marche (sur route) en 1h17’21s à Saint Denis (France) le 23 août 2003.
L’association a rencontré Jefferson Pérez au mois de juin 2009 chez lui à Cuenca. Ce fut l’occasion d’une part de découvrir un des hauts lieux de l’entraînement de la Marche Athlétique où des centaines d’athlètes marchent dans le parc de « la madre » en espérant un jour atteindre les performances et le palmarès de Jefferson Pérez et d’autre part d’échanger sur le vécu d’un champion de très grande classe.
Depuis la 14ème édition de la Carrera del Chimborazo, Jefferson Pérez grâce à son entreprise Tecdepor réalise le chronométrage de la course.
JEUX OLYMPIQUES
1996 : Atlanta : 1er
2000 : Sydney : 4e
2004 : Athènes : 4e
2008 : Pékin : 2e
CHAMPIONNAT DU MONDE
1999 : Séville : 2e
2001 : Edmonton : 8e
2003 : Paris : 1er
2005 : Helsinki : 1er
2007 : Osaka : 1er
JEUX PANAMERICAINS
1995 : Mar del Plata : 1er
1999 : Winnipeg : 3e
2003 : Saint Domingue : 1er
CHAMPIONNAT DU MONDE JUNIOR
(10km) 1992 : Séoul : 1er
Vous êtes équatorien, connu et reconnu pas spécialement par le monde de l’athlétisme, mais par tout un peuple. En France, vous êtes connu bien évidemment par les spécialistes de la marche athlétique par rapport à votre palmarès, mais personne ne connaît réellement votre histoire. Pouvez-vous nous dire comment vous êtes venu au sport et plus particulièrement à la marche athlétique et à quel âge ?
Je pense que je faisais du sport sans m’entraîner. Quand j’étais petit, je vendais des journaux. Les journaux ici se vendent en courant dans les rues et en faisant du porte à porte, donc, je pense que courir trois ou quatre heures par jour lorsqu’on a 8 ou 9 ans est un entraînement, même si je ne faisais pas de compétition ; ma compétition, c’était de finir de vendre mes journaux à temps. Je crois que c’est à partir de là que sans le savoir, je me suis entraîné, depuis mon plus jeune âge. J’ai commencé lorsque ma mère travaillait sur le marché, j’avais un an. Mais je n’ai commencé un entraînement planifié qu’à l’âge de 14 ans. Les gens pensent que d’avoir fait du sport en compétition m’a permis de développer mon talent, cependant, je pense que le talent était là avant et que je le préparais bien avant sans l’avoir planifié, ce n’est qu’à 14 ans que j’ai commencé un processus de planification.
Comment vous êtes venu à la marche athlétique ?
Je faisais des courses, j’ai été champion national du 1500m, de ce fait, je me rappelle que j’avais un entraînement planifié à 2500m d’altitude et le mois suivant, ils ont organisé une compétition de 1000m, j’avais 14 ans, je n’avais suivi aucun entraînement auparavant, ni fait de compétition et je me souviens que j’ai couru le 1000m en 2mn52, avec seulement un mois d’entraînement derrière moi. Ensuite, il y a eu une dispute entre deux entraineurs, l’un de course qui voulait que je continue à courir, l’autre de marche, qui voulait que je fasse de la marche. Alors, pourquoi j’ai commencé à faire de la marche ? Parce que j’étais intrigué par le fait que les marcheurs s’entrainent beaucoup. Moi, j’arrivais, je m’entrainais pour la course et je repartais, les marcheurs, eux, restaient et donc, un jour, j’ai demandé à l’entraineur pourquoi ils s’entrainaient autant ? Et il m’a dit : pourquoi tu ne viens pas voir ce que nous faisons à l’entraînement ? Il a piqué ma curiosité et je suis allé voir cela. Le premier entrainement que j’ai fait avec les marcheurs fut pour moi, très facile, car c’était un mouvement qui m’était naturel et l’entraineur m’a dit qu’il pensait que j’avais des aptitudes.
Vous avez un palmarès exceptionnel avec 5 participations au JO. Quel est le secret de cette longévité au plus haut niveau pendant presque 20 ans.
Je crois qu’il y a plusieurs paramètres :
– La qualité de l’alimentation
– L’hygiène de vie que l’on a
– La ville où l’on vit
– Le niveau de vie que l’on a
Et une des choses qui m’a toujours attiré l’attention, lors des compétitions des championnats du monde, c’est qu’une fois l’évènement terminé, j’étais littéralement mort. J’allais dormir et pendant la soirée, lorsque j’essayais d’aller dîner, les autres allaient faire la fête et boire et je ne comprenais pas comment ils avaient la force de faire cela, c’était impressionnant.
J’ai toujours été un type très calme, les gens de la montagne en Equateur sont toujours très calmes, très paisibles, les athlètes de course de fond sont des gens très calmes, tout cela s’est accumulé. Cuenca est une ville où nous sommes très conservateurs et très calmes.
Je pense qu’il y a de nombreux facteurs qui expliquent ma longévité. Le plus intéressant c’est que lors des derniers jeux Olympiques à Beijing (Pékin), j’ai concouru contre trois ou quatre générations de Russes, c’est comme… Génial ! Lorsque j’étais champion, ce jeune homme commençait juste à faire de la marche et maintenant que je m’en vais, nous sommes à un niveau équivalent.
Le fait d’habiter à Cuenca, une ville située au sud de l’Equateur à 2500 mètres d’altitude, pensez-vous que c’est un avantage ou un inconvénient pour l’entraînement ?
Parfois lorsque je me mets à cuisiner, j’ai un couteau extrêmement aiguisé et c’est très facile de couper la viande, mais ce même couteau peut me couper le doigt, lorsque le couteau n’est ni bon ni mauvais, ça dépend de comment on s’en sert. En ce qui concerne l’altitude, c’est la même chose. L’altitude, ce peut être une bonne chose ou une mauvaise chose, ça dépend de comment on s’en sert. Par exemple, au cours des 3 ou 4 dernières années, je m’entrainais avant les championnats du monde au niveau de la mer, alors les gens me disaient : comment est-il possible que tu vives en altitude et que tu ne continues pas à t’entrainer en altitude pour le mondial. Moi je disais : non, parce que j’ai tel âge… !, parce que ma condition ne peut pas s’améliorer plus en altitude. Je dois être plus rapide, je dois m’adapter à la température, à l’humidité, je dois m’éloigner des problèmes de ma ville, je dois me centrer, c’est-à-dire que le thème de l’altitude dépend de la façon dont on s’en sert.
Si je comprends bien, vous utilisez l’altitude comme préparation générale ?
Nous nous servons de l’altitude pour la préparation générale, spécialisé lorsqu’elle fait partie de la compétition, donc, en altitude, je peux aller courir trois heures mais je peux aussi faire 10 fois 1000m, c’est un travail complètement opposé, les objectifs sont complètement différents, alors on se sert d’une partie de la préparation générale. J’ai aussi été plusieurs fois à la plage pour faire ma préparation générale. J’ai parfois couru un 4000m pour me préparer. Pour moi, le thème de l’altitude dépend d’où on le place, c’est comme un casse-tête, la grande pièce que l’on n’a n’est pas aussi importante en somme que la pièce indispensable, grande ou petite il faut la placer à l’endroit exact.
Vous avez beaucoup utilisé l’altitude dans vos entraînements. Sans l’altitude, est ce que vous pensez que vous aurez réussi la même carrière ?
Je crois que souvent ce sont nos gênes qui décident. Ce n’est pas parce qu’on est né en altitude, qu’on vit en altitude, qu’on s’entraîne en altitude que cela fonctionne car sans le talent, pas d’altitude qui vaille ! Par exemple, Robert Corsenius qui a été un des meilleurs marcheurs de l’histoire est né au niveau de la mer, a vécu au niveau de la mer, s’est entraîné au niveau de la mer et a gagné au niveau de la mer. Alors, je crois aussi que la génétique a aussi à voir avec le talent. Et donc, l’altitude et les températures élevées, je crois que ce sont des facteurs externes. Mais en outre, il y a autre chose : l’altitude ne sert pas seulement à développer la partie physiologique, je pense que les conditions dans lesquelles on s’entraîne en altitude sont beaucoup plus adverses. Par exemple, le froid en dessous de zéro. Ce n’est pas le même au niveau de la mer et à quatre mille mètres d’altitude. Par ailleurs, il est intéressant, lorsque je suis dans la montagne, parce que je suis près, de voir qu’il y a des personnes de 60, 70 ou 80 ans qui portent sur leur dos ce qu’ils emmènent dans la montagne, chose qui doit être très difficile à trouver sans doute en Allemagne ou en France. Ce n’est pas seulement l’altitude mais plutôt le concept pour lequel me sert l’altitude. Pour moi, ce n’est pas seulement la partie physiologique mais aussi émotionnelle, spirituelle.
En vous regardant marcher, votre technique de marche est irréprochable. Vous avez battu le record du monde sur 20 km à Paris lors des championnats du monde avec 0 faute. La part de votre travail technique devait être importante dans votre programme d’entraînement ?
J’ai trois types d’entraînement : un entraînement physique, psychologique et spirituel. Concernant l’aspect physique, physico émotionnel, ce n’est pas seulement d’aller sur la piste mais aussi de filmer car nous avons des softwares à partir desquels nous effectuons des mesures d’angles. Je crois que j’ai eu la chance d’être indépendant et de chercher ce dont j’avais besoin pour développer ma biomécanique, je dois également reconnaître que ce que j’ai fait, c’est fusionner une série de techniques d’anciens champions olympiques des années 70 et 80, et même des années 90. J’ai étudié chacun d’eux, j’ai effectué une fusion de leurs techniques et finalement lorsque j’ai senti que tout était en train de fusionner, j’y ai mis de ma joie de vivre qui est un peu l’expression latine. Parfois lorsqu’on a essayé de filmer/graver ce que je fais, il trouve cela un peu difficile plus spécialement en ce qui concerne le mouvement des hanches, mais cela ce n’est pas technique, je veux dire par là que ce ne sont pas des aspects techniques, mais plutôt quelque chose qui m’est propre. J’en profite, peut-être est-ce pour cela que j’ai eu la chance de ne jamais être disqualifié. La fédération internationale dans de nombreuses vidéos m’a toujours montré comme un exemple de technique parfaite, c’est agréable mais je rappelle une fois de plus que je crois que c’est :
– La fusion de la biomécanique d’autres sportifs des jeux olympiques antérieurs
– L’étude technique à travers les programmes informatiques pour voir et analyser
– La façon d’exprimer mon identité à travers un mouvement joyeux
Vous avez fait comme Lance Amstrong, vous avez travaillé beaucoup en laboratoire ?
Oui, quelque chose de semblable même si je n’avais pas autant d’argent.
Et l’aspect psychologique ?
En ce qui concerne l’aspect psychologique, j’ai un plan stratégique très similaire à celui relatif au physique. Sur le plan physique, nous entraînons la résistance, la rapidité, la tolérance et tous les paramètres ayant trait à la force… Sur le plan psychologique, c’est exactement pareil, nous développons des qualités comme la tolérance, l’effort, la visualisation, le but. Tous les jours mais pas de façon parfaitement parallèle. En plus des aspects psychologiques, mais elle se trouve aussi dans la partie de la psychologie, il y a aussi la partie de la formation intellectuelle. A de nombreuses occasions, nous accédons aux informations nécessaires qui me permettent de développer plus mon intellect.
Et combien de personnes travaillent avec vous ?
Beaucoup, au début, j’avais une équipe directe de 6 personnes et indirecte d’environ 20 personnes. Ensuite, j’ai eu 4 personnes de façon directe et près de 12 de façon indirecte alors c’est comme une équipe, j’ai eu beaucoup de gens.
Les personnes directes sont les responsables de chaque domaine, par exemple en médecine, le médecin (j’ai des problèmes gastriques). Ce médecin était en contact permanent avec le gastroentérologue qui lui donnait des plans d’entraînement afin de pouvoir me prescrire les médicaments que je devais prendre pour mon estomac. J’avais aussi des problèmes d’articulations. Ce médecin sportif était toujours en contact avec le spécialiste de la traumatologie. Donc, les directs étaient les médecins sportifs, les indirects étaient les spécialistes. C’était pareil dans tous les domaines, en psychologie, en médecine, en physiothérapie, en nutrition.
Aujourd’hui, vous avez décidé d’arrêter votre carrière, il n’y aura pas de come back ?
Non.
Maintenant comment vous allez vous investir dans le monde de la marche athlétique ? Dirigeant ? Entraîneur ?
Je crois que je dois beaucoup au sport en particulier à la marche, cependant, je pense que mon pays ne reconnaît pas un marcheur, il reconnaît un citoyen. Ma responsabilité, évidemment, à l’égard du monde sportif est en rapport avec la marche. De ce fait, nous avons créé des qualifications et des cliniques de travail, je l’ai fait en Italie, au Mexique, maintenant, je vais en Chine, ensuite nous allons aller en Colombie, au Pérou, ou alors nous essayons de transmettre le principe de la marche. Je crois que dans mon pays il n’est pas suffisant, je crois qu’il faut pouvoir donner beaucoup plus. Mon pays m’a tout donné, il m’a donné une éducation, une identité, une opportunité de le représenter dans le monde entier, de faire du sport, une famille, des amis, donc, je crois qu’il me faut donner beaucoup plus que la marche à mon pays.
Alors, comment est-ce que je m’investis ? A travers la fondation. Que fait la fondation ? Elle donne des bourses d’études à des enfants qui travaillent dans les rues ou à des enfants dont les parents travaillent sur les marchés.
Nous avons une grande entreprise de marketing sportif, nous sommes les représentants de sportifs d’élite dans n’importe quel sport qui négocient le droit à l’image et par ailleurs, nous avons des entreprises qui ont pour but : l’une, la communication, l’autre, l’immobilier et la dernière, le développement des produits nutritifs. Comme je me sens redevable, je rends d’une part au sport mais aussi à la société.
Question plus personnelle, êtes vous marié ? Avez-vous des enfants ? Feront-ils de la marche athlétique
Non
Quel conseil pouvez-vous donner à un jeune comme Thomas qui a 12 ans et qui commence la marche athlétique ?
Ce que je pourrais dire aux jeunes, c’est que : lorsque nous allons manger nous ingérons des aliments solides mais aussi des aliments liquides alors je crois que dans la vie, c’est pareil. Nous pouvons faire du sport, mais nous avons aussi besoin d’étudier. Si nous essayons d’ingérer seulement des aliments solides, notre corps va s’en ressentir, de la même façon si nous ingérons seulement des aliments liquides. Dans la vie, c’est pareil si nous ne faisons que du sport en espérant seulement être champion du monde et que nous n’avons pas une préparation adéquate pour en assumer la responsabilité, ça ne sert à rien. Si on ne se consacre qu’aux études sans faire de sport, ça ne sert pas à grand-chose non plus car ce que nous enseigne le sport se trouve dans la pratique et non dans la partie académique : tolérance, effort, travail en équipe, honnêteté. Ce sont des choses parfois difficiles à mettre en pratique mais dans le sport, c’est très facile, donc, je crois que nous avons besoin de lier nos deux activités et une fois unies, il y a beaucoup d’autres activités : le thème culturel, le thème de la santé, le thème de l’éducation, le thème de la formation.
Est ce que vous continuez à faire du sport ?
Je fais du sport, du combat, je cours, je fais de la natation, du cyclisme. J’essaie de planifier.