Arrivée mardi soir 9 juin, chez Jacques Antoine, le trésorier d’Equateur France Athletisme : dîner, à peine couché, lever à minuit pour partir en voiture vers l’avion. Il faudrait plutôt dire, les avions. Quatre en tout : Charles de Gaulle / Francfort N°1 ; Francfort / Caracas N°2 ; Caracas / Bogota N°3 ; et enfin Bogota / Quito N° 4. Nous avons dû arriver à 6 heures du matin, heure de Paris. Une trentaine d’heures avec très peu de sommeil. J’ai eu le temps de voir 3 films et jouer à la dînette au cours de ces 4 vols. Nous avions en tout 10 bagages. A l’arrivée il en manquait un seul : 90 pour cent, c’est un bon pourcentage de réussite… Depuis que nous avons quitté Quito, j’ai appris qu’il a été retrouvé par la soeur de Graciela, donc du 100 pour cent : l’excellence.
Nous sommes vendredi 12 juin, j’ai récupéré le décalage horaire. L’hébergement se fait dans la famille de Graciela, ça change de notre confort, mais l’accueil est chaleureux, nous sommes allés nous balader dans un marché de fringues, j’ai fait du commerce, mais il faut marchander, c’est la règle… Nous avons visité une église toute dorée à la feuille d’or : impressionnant, surtout quand on relativise à la pauvreté ambiante…
Ce matin, après différentes visites, entre autres chez un marathonien, Silvio Guerra (une seconde place au marathon de Boston et 2h08 pour 42,195 km. J’étais ému de lui serrer la main, moi qui tournais « au temps de ma splendeur » aux environs de 3h25…, nous sommes retournés dans un marché d’artisanat local. Pleins de trucs à touristes, mais aussi de belles choses : des corsages brodés, des pulls en laine d’alpaga, des peintures style naïf… Et demain, encore marché, mais celui-ci, traditionnel à Otavalo, à 100 km de Quito. On s’y rend en bus et on y vend même du bétail… On ramènera peut-être une vache pour le lait des enfants de Graciela.
Je reprends la plume, nous sommes samedi 13 juin et nous partons, fort tôt, vers Otavalo. Il est 6h30, en France la journée est bien avancée 13h30, et pour la plupart la digestion est bien avancée, nous c’est celle du petit déj’… Folklo les cars, une multitude de cars pour une multitude de directions. Il est dit que Dieu reconnaîtra les siens, nous je ne sais pas comment nous reconnaîtrons le nôtre de car. Graciela et son beau frère, qui fait parti de l’expédition, nous en dégotent un qui va à Otavalo. Deux personnages président à nos destinés : le chauffeur et celui qui perçois notre pognon (2 dollars pour le voyage pour environ 100 km. Leur but était de remplir le car au maximum, au mécontentement de ceux qui étaient déjà installés. Cela finit par une altercation, assez violente, entre un voyageur et le receveur. Après avoir traversé Quito, qui s’étire en longueur vers le nord sur près de 40 km, nous rencontrons ensuite une région assez sèche, alors que nous sommes arrivés dans la verdure à Otavalo. La ville m’a semblée un vaste marché où toutes les rues semblaient encombrées de toutes sortes de commerces : nous avons commencé par un marché de volailles où l’on vendait même des chats et des chiens (je ne sais si c’était pour les manger) mais pas de gros bétail comme annoncé par Pascal…
Nous nous dirigeons vers le centre-ville où se négocie ce qui intéresse des gens comme nous qui arrivons les poches pleines de dollars. Ce fut une orgie de marchandages et nous revenons chargés comme des baudets vers la gare routière. Le retour en car vers Quito fut plus tranquille, contents de retrouver le calme de notre demeure et de faire le bilan de nos achats.
Dimanche 14 juin, c’est le voyage Quito/Riobamba. Départ 6h30, c’est jour de vote en Equateur (élection des représentants à un marché commun des Pays andins). Les élections sont obligatoires, amende de 30 dollars pour les non-votants et des tracasseries administratives à venir… il y a un bureau de vote au collège donnant dans notre rue, la gent policière est fortement présente. Notre chauffeur, Joël, est là avec son pick-up double cabine, il nous faut bien ça avec notre multitude de bagages (on devait avoir en plus de nos propres bagages, 190 kg de chaussures et tee-shirts).
Après les effusions du départ, nous partons vers le sud. Après avoir quitté Quito, nous roulons sur une belle route à 4 voies, « la Panaméricaine » qui traverse le continent américain du nord au sud. Nous découvrons de magnifiques sommets qui font partie de la chaîne des volcans dont certains sont toujours en activité : le Corazon, l’Iinizaz, le Cotopaxi (magnifique et le sommet tout enneigé, c’est le volcan en activité le plus haut du monde). Plus au sud, le Tungurahua qui fume et pour finir le Chimborazo sur les pentes duquel va se courir la fameuse Carrera del Chimborazo de Pascal, qui est l’objet du voyage.
Nous reprenons notre route, toujours dans un paysage cultivé, les champs rectangulaires formant une mosaïque multicolore. Nous quittons la route principale pour prendre une plus petite route, pour aboutir en cul-de-sac dans un village. Nous accédons au bord d’un cratère et là, ô merveille, 100 à 200 mètres plus bas en à pic, un lac aux eaux d’un vert émeraude intense. Je suis suffoqué par la beauté du site. Des petits commerces sont présents et je ne résiste pas à acheter un tableau, 30 x 40, représentant le cratère et son lac. Ici, en Equateur, s’est développée une peinture acrylique sur cuir de lama, de style naïf, que je trouve splendide.
En cours de route, Joël nous propose de faire un détour, aller et retour, pour voir un cratère : le Quilotoa. Nous montons sur un plateau à plus de 3500 mètres. C’est une région de culture et d’élevage : moutons, bovins, lamas. Le terrain n’est pas plat, les collines sont cultivées jusqu’à leur sommet, les champs ont des pentes impressionnantes, la culture ne se fait pas en terrasse. Je suis admiratif de ces paysans qui cultivent. Ceux-ci habitent des maisons chaumées. Joël nous fait visiter une de ces habitations, chez des gens de sa connaissance. Nous sommes ramenés au moyen-âge, je crois voir la hutte d’un serf… Ces gens sont gentils et accueillants. Nous leur laissons des tee-shirts, je ne sais pas si par ce geste nous ne détruisons pas un peu leur culture vestimentaire. Les femmes ont encore de très beaux vêtements traditionnels.
Nous retournons sur nos pas pour retrouver la Panaméricaine. Vers 14 h, nous nous arrêtons chez la maman de Graciela, qui habite près de Ambato, la commune qui vit les débuts de championne de sa fille. Nous trouvons une charmante grand-mère, vivant dans la nature à plus de 85 ans avec sa vache, son âne et ses poules, un peu voûtée par les ans et heureuse comme tout de revoir ses petits-enfants. Nous déjeunons et nous partons pour le cimetière où Graciela va se recueillir sur la tombe de son papa. Puis, elle va voter et nous repartons pour Riobamba, en nous arrêtant encore une fois pour que notre chauffeur aille remplir son devoir de citoyen. Vers 17h, nous sommes à Riobamba où nous trouvons notre oasis, c’est le nom de notre hôtel.
Notre hôtel à Riobamba est charmant, confortable et pas cher : 7,5 dollars par personne et par nuit et en plus, nous avons la possibilité de faire la cuisine. Nous y prenons le petit-déjeuner et souvent le dîner. Pour le midi, nous avons un restaurant à 1,5 dollars le déjeuner qui est très correct : une soupe, un plat avec viande, et un jus de fruit, un vrai !
Lundi 15 juin – Ce matin, je reste à l’hôtel pour étudier la notice de la caméra : il faut que je sois à la hauteur de ma mission. Pendant ce temps, les parents et les enfants sont partis pour les inscriptions à l’école. Tout le monde revient vers midi. Isabel est dans une maternelle du nom de St-Amand Montrond (L’association Berry Chimborazo subventionne l’école) et Thomas, qui devait aller dans un collège n’ira pas, car les élèves sont en examen. La maîtresse d’Isabel a, de ce fait, embauché Thomas pour faire « el professor », ce qui n’a pas l’air de lui déplaire. Nous partons déjeuner, nous y allons en taxi, car le restaurant est assez loin. Nous revenons à pied, nous flânons et en profitons pour faire des achats : fruits, chaussures pour Thomas, disquettes DVD pour la caméra… dîner à l’hôtel et ensuite dodo. Ici, à 18 heures il fait nuit, et à 6 h c’est le jour. En général, à 20h/20h30 tout le monde dort. Je fais des nuits de 9/10h, alors qu’en France c’est plutôt 5/6.
Mardi 16 juin – Ce matin après le petit-déjeuner à l’hôtel, nous partons en taxi amener les enfants à l’école. Nous rencontrons la directrice, une fort belle dame ma foi, qui partira à la retraite au mois de juin 2010. Après la belle enseignante, nous reprenons un taxi pour partir à la recherche d’un curé français, qui officie à une vingtaine de kilomètres de Riobamba et qui reçoit, chaque année, quelques dollars du Comité de jumelage de St-Amand, pour aider les communautés de sa paroisse.
Nous avons quelques difficultés à trouver la crèche du padre. C’est une maison communautaire, nous sommes reçus par une jeune Française, qui nous informe que le padre n’est pas visible, il est parti dire la messe dans les environs. Notre charmante hôtesse nous fait visiter la maison qui accueille, sous forme de gîte, les touristes. Elle nous décrit les différentes activités que les communautés paysannes essaient de développer : élevage de lamas, fabrication de pâte de quinoa, confitures, fromages… Elle même, s’avère être une vétérinaire qui développe l’élevage du lama. Elle est là pour 2 ans, dans le cadre d’un programme d’aide catholique bénévole. Nous sommes admiratifs et la félicitons pour son dévouement. Elle nous dit être heureuse de mener cette action…
En résumé, les deniers de Saint-Amand semblent être bien utilisés.
Après cette visite, nous repartons avec notre taxi à la mairie de Riobamba. Là, nous rencontrons les correspondants de Pascal pour la course, et ensuite le directeur de la culture et des sports de la ville de Riobamba… bien sûr, je ne comprends rien, mais je souris à l’objectif du photographe. On est pris sous tous les angles et comme je suis là, on me met sur la photo, ça meuble ! Graciela est interviewée par une radio locale. Elle a du débit notre championne, je ne comprends pas ses propos mais à la fin, le journaliste semblait satisfait… moi aussi, bien sûr. Après le restaurant, nous repartons à pied par les rues, avec un objectif précis : acheter un costume, car jeudi matin à 10 heures : conférence de presse. Pascal va représenter la France, notre Marianne en quelque sorte, il faut qu’il en jette… Et puis, on peut investir, le costard resservira, en août, papa et maman Préault fêtent leurs cinquante ans de mariage… Allez en avant ! On cherche les magasins chicos, mais la surprise c’est le prix : c’est pas donné ! Presque aussi cher qu’en France et la classe oblige. On ne marchande pas, c’est à prendre ou à laisser. On finit par trouver et voilà Pascal beau comme un astre…
Mercredi 17 juin – Les enfants sont à l’école, vers 11 heures nous partons vers le Chimborazo pour le collège où Graciela et Pascal ont le projet de monter un genre sport/études. Le but de cette visite est de trouver, parmi les grands élèves, des volontaires pour devenir entraîneur. Nous sommes reçus par le directeur, nous devions rencontrer les jeunes à midi, en fait se sera à 13h30, car ils sont en examens. Ils sont trois à être volontaires. Graciela leur fait un long laïus sur leur mission, je filme le début de la rencontre, c’est aussi le début officiel de ma carrière de « grand reporter »… Je crois que Graciela et Pascal prennent conscience de la très grande difficulté à monter ce projet. En discutant avec les postulants, ils apprennent que la communauté a une maison que nous apercevons de loin et qui semble fort correcte, et peut héberger gratuitement des personnes qui viennent apporter leurs connaissances à cette communauté. Et ça y est, Pascal est reparti. Trouver un jeune pour faire entraîneur, un peu comme notre vétérinaire, ou à défaut, un entraîneur à la retraite… Toutefois, l’expérience locale va être poursuivie sans grande illusion, il faut un début à tout. Il est remarquable de trouver dans le monde rural équatorien ces communautés où les mots « coopération », « solidarité », ne sont pas de vains mots, ce qui est malheureusement rarement le cas chez nous, où c’est plutôt « individualisme » qui prime et la rencontre de notre jeune vétérinaire a été réconfortante.
La fin de l’après-midi s’est terminée chez la directrice, pour récupérer les enfants et sa maison n’avait absolument rien à voir avec la cahute des paysans rencontrés sur le chemin de Riobamba. Son mari a une entreprise de déforestation, je veux dire d’abattage dans la forêt amazonienne…
Jeudi 18 juin (commémoration d’un fameux appel) – A 10 heures conférence de presse de Pascal et Graciela à la mairie. Pascal a mis le beau costard, sans cravate, pour la décontraction. Une première interview impromptu avec 2 TV. Une salle a été mise à disposition, Pascal souhaite regrouper tous les journalistes dans cette salle, il a déjà fait une entorse avec les TV. Arrive une radio qui veut une interview en particulier : c’est « niet » de la part de Pascal et la radio fout le camp… Toutefois, la conférence se fera avec 4 journalistes qui disposent leur magnétophone devant le conférencier, tout le monde restera autour de la table de conférence sur l’estrade. Je filme en faisant gaffe de ne pas me casser le cou en tombant de ladite estrade. On ne sait pas trop quelles seront les retombées, nous avons vu 2 articles dans la presse, avec photos des conférences… Après le déjeuner, pris dans notre restaurant à 1,5 dollars, nous partons pour le collège pour une séance d’entraînement dirigée par Pascal et Graciela. Après plusieurs coups de sirène, on finit enfin par regrouper 9 athlètes, dont les 3 jeunes rencontrés la première fois. Ca débute par un trot d’échauffement d’une quinzaine de minutes dans la campagne environnante. Thomas se joindra au groupe mais peinera, car ça commence par une grimpette que les autochtones avalent les doigts dans le nez… la séance se poursuivra par des exercices et de courtes courses en accélération, et pour terminer, par des étirements. Tout le monde semble avoir bien digéré l’entraînement. Nous les quittons pour rentrer en car sur Riobamba, mais avant nous allons voir les bâtiments de la communauté pour l’hébergement, ce n’est pas le grand luxe mais c’est acceptable.
Vendredi 19 juin, c’est le grand jour : Pascal a décidé en partant de la mairie de Riobamba de monter en vélo jusqu’au premier refuge du Chimborazo, le refuge Carrel à 4800 mètres. Il y a environ 2000 mètres de denivelé. Le départ se fait à 7h25. C’est une longue traversée de Riobamba, au milieu de la circulation avec des cars qui crachent d’épais panaches de fumée noire, ce n’est déjà pas agréable pour nous, alors pour Pascal…
Enfin nous quittons la ville après environ une demi-heure. Nous sommes dans la campagne, je suis en voiture avec Joël, notre chauffeur qui nous a emmenés de Quito à Riobamba. J’ai droit à la musique andine. Pascal roule régulièrement, le coup de pédale sans coup férir. Le premier ravitaillement est prévu au bout de 30 minutes, nous attendons d’être à la campagne et sur du plat, car les côtes ont commencé. Le ravitaillement se composera d’une banane et de l’eau, tout ça pris sans s’arrêter. On repasse près du collège où officient nos entraîneurs. Dans les traversées de villages, Joël en profite pour distribuer des papiers pour la course du Chimborazo. La route est bonne, à part quelques nids-de-poules. La circulation n’est pas gênante quand nous roulons derrière Pascal. La campagne est toujours cultivée, il en sera ainsi assez haut, sûrement jusqu’à 4000 m. Le ciel, un peu nuageux, laisse voir le Chimborazo dans toute sa splendeur. Sa coiffe enneigée brille sous le soleil. Par endroits, pour passer la route, il a fallu entailler la pente. Cela donne des parois verticales d’une dizaine de mètres de haut, qui nous donnent sur toute cette hauteur une coupe de terrain et nous pouvons admirer différentes couches multicolores, comme des strates correspondant à différentes éruptions volcaniques du Chimborazo.
C’est impressionnant, car nous sommes encore loin de celui-ci… Puis, assez rapidement l’herbe disparaît, le paysage se minéralise et il en sera ainsi jusqu’au refuge d’arrivée et au-delà bien sûr. Vers 4300 m, nous quittons la route goudronnée, qui continue vers d’autres horizons, pour prendre une piste. Sur une pancarte, le refuge est indiqué à 8 km. Nous faisons un ravitaillement, Pascal me dit que les difficultés vont commencer. Il ne semblait pas si bien dire, il va en baver… Déjà, depuis une bonne dizaine de kilomètres, l’effet de l’altitude se faisait sentir pour lui. Les jambes allaient bien mais le souffle devenait de plus en plus court. Sur la piste, ce fut le martyre. Impossible de rouler, la piste était sablonneuse et la roue s’enfonçait jusqu’à la jante, alors Pascal poussa le vélo : c’était une ascension à vélo, il fallait que celui-ci arrive au refuge propulsé par Pascal. Je vis la volonté en marche. J’avais laissé Joël et je marchais près de mon pote en soutien moral, c’était très émouvant, il avait déjà près de 5 heures d’efforts derrière lui et il ne lâchait pas, à aucun moment il n’a été question d’abandonner, pourtant la voiture était là, toute proche, je ne lui ai pas demandé mais je crois qu’il n’y a pas pensé. J’étais et je reste admiratif de cet effort gratuit à la banane et à l’eau minérale… Après 2 heures de cette piste et 6 heures 30 depuis la mairie de Riobamba, le refuge était en vue puis enfin atteint. C’est très émus que nous nous serrons dans les bras, et ses larmes, il avait le droit de les laisser couler, c’était celles d’un mec !
Samedi 20 juin – Ce matin, j’ai fait « jardin d’enfants » : Graciela et Pascal sont retournés au collège, pour une seconde séance d’entraînement. Graciela, qui continue toujours de s’entraîner, est partie faire la séance d’échauffement avec les jeunes. Elle n’a pas été à la fête… c’est qu’il y a de la graine de champions dans ce collège ! Pendant ce temps-là, je faisais « el professor » avec Isabel et Thomas. Tout le monde a bien travaillé, y compris moi. Je n’étais tout de même pas mécontent quand ils m’ont réclamé la TV. Après le déjeuner, réunion avec Javier qui est le correspondant de Pascal à Riobamba. Ne pratiquant pas l’espagnol, je suis allé à la sieste. J’ai été convoqué pour parler, avec traduction, de l’économie équatorienne. Javier est banquier.
Dimanche 21 juin – Déjà une semaine que nous sommes à Riobamba. Nous sommes invités par Joël, notre chauffeur, dans sa famille. Il doit venir nous prendre vers 10 heures. Graciela a acheté une belle composition florale et moi j’amène une bouteille de Jurançon doux (il manque juste le foie gras). Chez nous, les invités arrivent juste avant de passer à table. Ici, on arrive deux à trois heures avant, pour que les invités participent à la confection du repas… Nous sommes reçus par toute la famille. Dans la cuisine, on s’affaire devant les fourneaux, on se prépare à rôtir les viandes : cochons d’Inde, lapin, poulet, tout ça bien sûr provenant de la ferme. Les femmes se mettent aux pluches et pendant ce temps, avec Pascal et Isabel, nous allons nous balader dans la campagne environnante… Quand nous revenons, on est toujours très occupé en cuisine. Avec mon appareil photo, j’ai emmené une imprimante 10 x 15, je tire le portrait des membres de la famille. Je remporte même un certain succès avec mes photos, ils sont surtout étonnés d’avoir le résultat tout de suite. Le frère de Joël, qui a l’air d’avoir des prédispositions pour les affaires, me demande le prix de ma machine, en vue d’en acquérir une et d’en tirer profit…
Finalement, il est 14 heures bien sonnées quand nous passons à table. En tant qu’invités, nous avons le privilège de nous asseoir autour de la table qui est toute petite, les autres se logent un peu comme ils peuvent dans la pièce. Nous avons un plat unique composé de viande et de riz, avec une sauce à base de cacahuète. J’avoue avoir des difficultés à finir mon plat. Brutalement, je réalise que la bouteille a été oubliée au frigo. Au lieu de la boire en apéro, il est décidé qu’elle sera bue à la fin du repas. En attendant, nous buvons une espèce de limonade que j’apprécie, car la viande grillée est un peu sèche et cette boisson m’aide à avaler… Quand c’est fini, la bouteille est apportée sur la table, mais à notre surprise, la maison ne possède pas de tire-bouchon. Après avoir envisagé plusieurs solutions, deux enfants sont envoyés au village, à la recherche de l’instrument miracle. Ils reviennent bredouilles et la bouteille est remise au frigo…
Dans la cour, un terrain de volley-ball rudimentaire a été aménagé. Commence alors un petit match France-Equateur, la France (Pascal et Thomas) est renforcée par un voisin. Et ça joue et ça rigole… Pascal après s’être tordu les doigts, laisse sa place. A 17 heures, nous prenons congé de nos hôtes.
Lundi 22 juin – Nous partons vers Cuenca, au sud du pays. Après quatre heures de bus, nous nous arrêtons pour visiter les ruines d’un site Inca à Ingarpica (en Quechua ça veut dire La pierre de l’Inca). Il reste surtout des vestiges des fondations, le site doit représenter 3 ou 4 hectares avec une construction conséquente, le Temple du soleil, constitué d’un bel appareillage de pierres.
Nous reprenons le car et arrivons à Cuenca vers 17 heures. Le frère de Graciela, qui est chef d’orchestre classique, nous a retenu des chambres dans un hôtel 4 étoiles (mais les étoiles s’avèreront bien ternes).
Mardi 23 juin, nous partons à pied pour le Parc de la Madre, haut lieu des marcheurs de compétition. Là, tournent des athlètes des deux sexes de diverses catégories et ça tourne bon train… Malgré tout, nous n’avons pas à faire à l’élite, qui est à Quito et qui revient des jeux sud américains qui se sont déroulés à Lima.
Cuenca est une des plus fameuses écoles de marche athlétique au monde, dont le fleuron était, il n’y a pas si longtemps, Jefferson Peres, qui affiche cinq participations aux J.O., 1 médaille d’or, une médaille d’argent et 3 titres de champion du monde, le tout sur un palmarès qui s’étend sur près d’une vingtaine d’années. A ce haut niveau, c’est une longévité tout à fait exceptionnelle (une colossale statue de lui trône dans le Parc de la Madre.
A 11 heures 30, nous avons rendez-vous à notre hôtel avec ce grand champion. Pascal est un peu anxieux, viendra-t-il ? La rencontre a été arrangée par la soeur de Graciela, secrétaire générale de la fédération équatorienne d’athlétisme et juge internationale de marche athlétique. A l’heure dite, Monsieur Jefferson Perez arrive, l’exactitude étant comme chacun le sait, la politesse des rois. Après les salutations et présentations, une interview commence que je suis chargé de filmer et d’enregistrer pour la postérité… ça dure une bonne demi-heure et c’est crevant pour le cameraman, un pied photo aurait été le bienvenu… Je n’ai pas compris grand-chose, à part les questions de Pascal, en français, traduites en espagnol par Graciela. Jefferson a mis fin à sa carrière après les jeux de Pékin. Pascal lui a demandé si il y aura un « come back ». La réponse a été claire et nette, c’est non, et je n’ai pas eu besoin de traduction. Moi qui me suis essayé à quelques efforts physiques au cours de mon existence, je sais apprécier ceux des autres. L’Equateur, grâce à Pascal, m’a permis de rencontrer un athlète qui tourne à 2h09 au marathon, doublé d’un médaillé d’or aux J.O. De plus, être l’ami d’une championne, qui, bien que mère de famille et la quarantaine entamée, se lève toujours aux aurores pour son footing matinal, est un grand bonheur pour moi. Merci Graciela et Pascal.
Le mercredi 24 juin est consacré à l’organisation de la course. On essaie de rencontrer un représentant de la croix rouge, en vain. Il faut aller à la mairie refaire le point. C’est la grande déception, un certain nombre de prestations escomptées pour la course ne seront pas honorées. En fait, tout se fait dans l’urgence, la course a lieu dimanche et presque tout reste à faire… me semble t-il. De nombreux allers et retours en taxi dans diverses institutions sont réalisés par Pascal et Graciela : il faut avoir le moral pour organiser dans ces conditions… La croix rouge étant défaillante, on va voir les pompiers pour organiser les secours. On doit avoir la réponse jeudi matin…
Jeudi 25 juin, Pascal et Graciela règlent toujours les problèmes de la course. Vers 11h30, nous allons à l’école maternelle St-Amand-Montrond et nous sommes invités par la directrice de l’école dans le meilleur restaurant de Riobamba, le « Bonny ». La directrice est accompagnée d’une institutrice. La cuisine est raffinée et le repas se passe dans une ambiance agréable. Pour ma part, j’écoute mais je ne comprends toujours rien « no hablo espagnol ». Nous nous séparons et nous rejoignons en taxi le grand stade de Riobamba, où doivent nous rejoindre les élèves du collège du Chimborazo, pour réaliser un test qui permettra une évaluation des performances de chacun. Malgré les explications de Pascal, je ne comprends pas trop bien : des plots sont disposés tous les 20 mètres le long de la piste « en synthétique » composée de 8 couloirs. Pascal dispose d’un séquenceur qui donne un rythme et avec un sifflet transmet ce rythme à ceux qui courent. Au coup de sifflet, les athlètes doivent être à la hauteur d’un plot. Si le coureur a un retard de plus de deux mètres, il est éliminé. Les meilleurs atteindront une vitesse maximale de 17,5 km/h… à 3000 mètres d’altitude. Ils seront 12 à faire le test, 4 filles et 8 garçons. 5 ou 6 arriveront plus tard mais ne pourront pas participer. Vers 15 heures, parallèlement, commence sur le stade l’entraînement de la Fédération sportive du Chimborazo. Une cinquantaine de jeunes se mettent à l’ouvrage. C’était beau à voir ce dynamisme juvénile et malgré cette présence, Pascal a mené à bien son test de sélection. Après, tout le monde a embarqué en taxi pour une distribution de chaussures. Ce fut sportif, mais tous ces jeunes athlètes ont trouvé chaussures à leurs pieds. Pascal a fait une photo de famille avec les jeunes et leurs pompes… une photo qui passera sûrement à la postérité…
Vendredi 26 juin – Maintenant c’est habituel, la matinée, je la passe à l’Hôtel… Vers 11h30 nous partons à pied chercher les enfants à l’école, c’est leur dernier jour de classe. En taxi, nous allons à notre restaurant. La conduite automobile est musclée ici. Avec Pascal, nous n’avons pas compris encore si la priorité est à gauche ou à droite. Les rues sont souvent à sens unique et celles-ci découpent la ville en carrés. Quant à la priorité, en conclusion, c’est selon et en résumé, au plus gonflé ! Nous, en tant que passagers, ça nous file des chaleurs. Enfin ça ne nous coupe pas l’appétit… Après le déjeuner, nous retournons à la mairie pour récupérer la liste des inscrits et le prix de leur inscription. L’employé qui s’occupe de ceci, beau gosse, avec queue de cheval, propre sur lui, change de liquette tous les jours, mais me semble être « un m’as-tu vu » qui brasse du vent… Pascal et Graciela passent pas mal de temps à récupérer tout ça. Pendant ce temps, j’observe… et c’est assez drôle ! Il y a 69 préinscrits qui doivent demain venir retirer leur dossard.
Samedi 27 juin – Nous passons la journée à la Mairie de Riobamba, dans une salle mise à disposition pour remettre les dossards aux préinscrits, prendre les nouvelles inscriptions et encaisser le prix d’inscription : 2 dollars et remettre un tee shirt à chaque participant. C’est à moi que revient ce boulot. Nous recevons du renfort de la part de la famille de Graciela. Magdeleine (juge de marche international : une pointure !) est aux inscriptions. Elle sera chargée du chronométrage avec son fils qui arrivera plus tard. C’est son mari qui sera chargé de l’arrivée : très efficace au dire de Pascal et la nièce qui sera à l’arrivée aussi.
Plus tard, dans l’après-midi, arrive le frère, chef d’orchestre, qui pour la course sera le speaker. C’est mon copain, il parle français. Je ne résiste pas à lui dire une contrepèterie sur les speakers (à trouver pour ceux qui ne la connaissent pas, elle est double) « le speaker a une panne de micro et ça me brouille l’écoute ».
Entre midi et 2, nous avons fermé boutique pour déjeuner. Le soir nous avons un total de plus de 150 inscrits. Pour les tee-shirts, il ne reste plus que les tailles XL ou XXL. En général, les Equatoriens ne sont pas des géants, cela servira de chemises de nuit à leur femme. Pascal et Graciela sont contents, ils ont pu régler tous les problème, enfin ils espèrent… Mon pote, le chef d’orchestre, est étonnant, pendant que nous nous rendons à pied au restaurant, il s‘échappe chercher son amie. Quand ils réapparaissent, ce n’est pas la même qu’à Cuenca.
Dimanche 28 juin – C’est le grand jour. Lever 4h45, petit-déjeuner rapido, départ 5h30 pour la mairie où se fait le départ des bus. Les premiers coureurs arrivent à 6 heures comme les bus. Médardo (le chef d’orchestre), vérifie que ceux qui montent dans les bus ont bien leur dossard. Le bus plein, nous partons. Le voyage est assez morne, le temps est bas, et je ne peux parler avec ma voisine, ne possédant pas la langue de Don Quichotte. Après avoir été pas mal secoué sur la piste, nous arrivons au refuge, lieu de départ. Le soleil est derrière le Chimborazo et ses rayons lui font une belle auréole. Au dessus du bâtiment, se trouvent des plaques rappelant la mémoire de ceux qui ne sont pas redescendus vivants de cette montagne.
Après avoir filmé la descente du car, je regarde l’heure, il est 7h30, il me reste 2h30 d’ici le départ. Je décide de monter au second refuge qui est à 5000 mètres. J’ai 200 mètres de dénivelé à gravir. Je m’aperçois vite que ce n’est pas une partie de plaisir. Je suis étonné car quand j’avais suivi Pascal, ça m’avait semblé plus facile. La pente était moins raide et j’étais parti de plus bas. J’y suis, il faut y aller… Et pour me donner le moral, deux jeunes Equatoriens me doublent en bavardant. C’est beau la jeunesse ! Mais Papy lou, il ne va pas lâcher le morceau, d’autant qu’assez vite on voit le toit du second refuge… La pente se relève, je ne voudrais pas m’arrêter, mais… il faut que je marque une pause… et j’en marquerai d’autres et finalement j’arriverai au refuge. Ils ont la pêche tout de même, ces Equatoriens, car comme échauffement, il y a mieux, d’autant que certains continuent à monter pour aller jusqu’à la neige. J’en vois même un courir en montant… Moi, je redescends peinard…
4 bus sont montés, et 165 coureurs sont au départ. Je filme, ça s’échauffe, on est comme dans une course chez nous, c’est rigolo à voir… Les 10 heures approchent, je monte dans le véhicule de Joël, à l’arrière, dans la partie à l’air, assis sur des sacs de godasses. Un photographe de presse me rejoint. Sur la ligne, c’est limite l’émeute ! Pascal donne le départ avec cinq minutes d’avance, et c’est parti. Je filme, mais je doute du résultat, on est secoué dans tous les sens, je dois filmer tout sauf les coureurs. Un groupe de coureurs se détache. C’est infilmable, je planque la caméra sous mon anorak d’autant qu’il tombe du grésil qui pique le visage. Les coureurs sont au frais. On, plus les chaos, ça doit être terrible les images.
A l’arrivée, j’expliquais à Pascal mes tremblements, il me fit cette remarque passe le premier ravitaillement, 5 km de passés et on n’a pas vu non plus le temps passer. Mais ça caille, j’ai repris la caméra, mais je tremble de froid caractéristique de son optimisme « tes tremblements seront annulés par les secousses de la route… ! » Enfin, le bitume… Le groupe de 6 à exploser, 3 puis 2 sont en tête et derrière ça s’effiloche, il n’y pas de peloton, chacun y va comme il peut… A 3 km de l’arrivée, le groupe de 2 éclate… et le futur vainqueur s’en va royal vers la ligne d’arrivée. Bien sûr, notre chauffeur nous a fait prendre de l’avance pour voir le vainqueur franchir la ligne d’arrivée. Un beau vainqueur qui avait gagné récemment le semi de Quito.
Au fait, j’ai oublié de vous dire qu’il pleuvait. Après en avoir terminé, ils dégoulinaient les pauvres et pas de douches, les vestiaires c’était les bus… J’espère que demain en plus des courbatures, il n’y aura pas trop de maux de gorge… Avec Joël, le chef d’orchestre, et Thomas, nous sommes partis pour préparer la remise des récompenses, 5 km plus bas à San Juan. Nous arrivons dans un village en fête : défilé, musique, danseurs et plein de monde… Nous devons accéder au Colisée, ce n’est pas à Rome, mais c’est la salle prévue pour les coureurs. Médardo est démerde, on accède à la salle, les chaises sont installées et on commence l’installation : d’abord Thomas, le roi de l’informatique, plein de prises de courant mais aucune ne fonctionne ! Enfin, celle qui semblait la plus minable, elle pendait lamentablement le long du mur et bien c’était la bonne. En évitant de se ramasser une châtaigne, l’ordinateur fut branché. Thomas peut opérer : d’abord finir de rentrer les derniers coureurs inscrits, ensuite inscrire les numéros de dossards avec les temps et le classement sortira. Pendant que les servants de l’informatique œuvraient, la salle se remplissait. Sur le devant de l’estrade, les godasses qui nous avaient servi de siège au photographe et à moi furent disposées à la vue des coureurs. Il fallait surveiller pour qu’aucune paire ne soit piquée. Avant la cérémonie, il était prévu un casse-croûte et une boisson. On avait bien le solide mais pas le liquide, il fut décidé de distribuer le premier, nul étouffement ne fut signalé.
On réussit à mettre quelques officiels sur l’estrade dont le garçon de la mairie, il bichait comme un baron, et Pascal nous gratifia d’un discours. Le chef rappela que la police brilla par son absence (après nous avons appris qu’ils réussirent à mettre en tôle un chauffeur de car qui avait bousculé 2 ivrognes avec son véhicule. Ils doivent marcher au chiffre !). Pascal eut droit à de vifs applaudissements quand il évoqua et blâma les tricheurs, ceux qui coupent les lacets ou encore se planquent dans des voitures pour s’éviter des kilomètres… Enfin, nous eûmes droit à la remise des coupes, d’abord aux dames, sûrement un effet de la galanterie française. Puis après ce fut le tour d’un orchestre andin de nous montrer son savoir-faire. Certains et certaines, après les 21 km n’hésitèrent pas à danser au son de la musique. Après les musiciens, les coureurs ont été appelés du premier au dernier, afin de leur remettre une paire de chaussures.
Et comme tout a une fin, nous remontâmes dans la voiture de Joël pour essayer de tirer le chauffeur de sa cellule. Mais, c’est dimanche, tout est fermé, personne ne pourra le sortir. Que deviendra t-il ?
Il était déjà 16 h et notre restaurant nous attendait, nous étions bien une bonne quinzaine autour de la table. J’avais hâte de rentrer à l’Hôtel et de prendre la douche car nous avons avalé de la poussière au long de la piste.
Et c’est lavé (pas repassé), les bagages faits, que je vous quitte car demain nous partons pour Quito et ensuite revoir la France ! (Claude L’Hermite)
Bonsoir. Je suppose que vous êtes le Claude l’Hermite ami de Noël Tamini ? J’ai connu autrefois cet homme remarquable, dans les premiers temps du merveilleux Spiridon, et j’aimerais beaucoup renouer avec lui. Je sais qu’il est désormais très loin de notre Europe de l’Ouest. Pourriez-vous me donner son adresse mail, s’il en a une ?
Michel Volkovitch
ex-marathonien
trottineur inlassable
Bonjour,
Nous avons le regret de vous informer que Claude l’Hermite est décédé il y a quelques années déjà. Noël Tamini vie actuellement en Roumanie mais nous n’avons pas son contact. Nous allons nous renseigner pour vous obtenir son adresse mail. Si toutefois nous obtenions ses coordonnées, nous ne manquerons pas de vous informer.
Cordialement
L’association Saint-Amand-Montrond/Riobamba